Petit portrait en chinois
Quelles sont les images qui se dessinent derrière les diverses parties du corps en chinois ?
La vue est certainement le moyen le plus direct d’avoir un aperçu de ce qui nous entoure. La clé 目 (mù, œil) est présente dans 目光 (mùguāng) ou 眼光 (yǎnguāng, « lumière des yeux »), 眼神 (yǎnshén, « esprit des yeux »), termes qui désignent tous le regard, et encore 眼力 (yǎnlì, « la force des yeux »), qui peut à la fois signifier le regard et une certaine acuité à percevoir les choses en profondeur. Le regard est également révélateur de nos sentiments, c’est pourquoi 目 se retrouve dans des formules telles que 目瞪口呆 (mùdèng kǒudāi, « le regard ébahi et la bouche bée »), 怒目 (nùmù, « regard haineux ») ou encore 笑眼 (xiàoyǎn, « yeux rieurs »).
Une faculté importante : le toucher, qui passe notamment par les mains et les doigts. Le pictogramme de la « main » représente une main stylisée à trois doigts 手 (shǒu). On le retrouve sous une forme encore plus stylisée à gauche dans 指 (zhǐ, « doigt »). Les capacités de quelqu’un sont souvent reliées à la dextérité de sa main en Chine. Ainsi, « je le fais bien » peut se dire 很拿手 (hěn náshǒu) ; une personne qui détient un certain pouvoir est appelée 一把手 (yī bǎ shǒu), tandis qu’une personne maladroite sera qualifiée de « mains débiles et pieds stupides » 笨手笨脚 (bènshǒu bènjiǎo). Quelqu’un d’influent dans le milieu artistique est surnommé « gros poignet » 大腕 (dàwàn), soit « une pointure ». Des doigts habiles pouvant être très rapides, il existe l’expression 弹指间 (tánzhǐ jiān), comparable à « en un claquement de doigts ».
En chinois, les caractères des organes internes, cœur, ventre, foie ou vésicule biliaire, servent également à exprimer des sentiments. Normal pour le cœur, assimilé à l’amour. Ainsi, on surnommera l’être aimé « mon petit cœur, mon petit foie » 心肝 (xīngān) ; à l’inverse, 心眼 (xīnyǎn, « l’œil du cœur ») signifie l’esprit étroit ou bien la mesquinerie dans 心眼小 (xīn yǎn xiǎo, « petit oeil du cœur »). La concentration ou la fidélité peuvent être désignées par 一心一意 (yīxīn yīyì, « un cœur une intention »). Un ami de cœur se traduira en chinois 知心 (zhīxīn, « connaisseur du cœur »), en référence à la relation entre le cithariste Boya et le bûcheron Zhong ziqi, seule personne apte à véritablement comprendre la musique du premier. Quelqu’un d’infidèle est quant à lui un « cœur de fleur » 花心 (huāxīn), grouillant d’abeilles en somme. Enfin, une personne éperdument amoureuse se caractérise par un « cœur fou d’amour » 痴心 (chīxīn).
Il est intéressant de noter que les expressions pour exprimer la sincérité et la profondeur des sentiments sont souvent en lien avec l’estomac ou les intestins.. « Cela vient du cœur » se transforme alors en « cela vient des poumons et du ventre » 发自肺腑 (fā zì fèi fǔ). Une personne loquace a « un ventre rempli de paroles » 一肚子话 (yī dùzi huà), et une personne très fâchée, un « ventre plein de feu » 一肚子火 (yī dùzi huǒ). Une personne qui s’en veut considérablement peut dire que « ses intestins sont devenus gris de regrets » 肠子都悔青了 (chángzi dōu huǐ qīng le). Enfin, quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux possède, d’après les Chinois, une « grosse vésicule biliaire » 大胆 (dàdǎn).
Sortons un peu de l’intérieur de notre corps pour s’intéresser à nos cavités, comme la bouche. Le pictogramme la désignant est simplissime 口 (kǒu). La bouche étant une porte d’entrée pour la nourriture, le caractère 口 est utilisé dans les mots 入口 (rùkǒu, « entrée ») et 出口 (chūkǒu, « sortie »), mais aussi dans « population » 人口 (rénkǒu), car il faut bien nourrir tous ces Chinois ! L’expression « bouche dure » 嘴硬 (zuǐyìng) s’applique à une personne têtue, qui a toujours réponse à tout. Quelqu’un qui use de la flatterie à tort et à travers a quant à lui « la bouche huilée et la langue glissante » 油嘴滑舌 (yóuzuǐ huáshé). À force de lécher les bottes, le cirage reste sur la langue...
Pour finir notre portrait, quoi de mieux que la tête et le visage ? La tête, 头 (tóu) ou 首 (shǒu) en chinois, signifie comme en français quelque chose de primordial. Ainsi, la première classe se dit 头等舱 (tóuděng cāng), et les dirigeants sont désignés par 首脑 (shǒunǎo, « tête et cerveau »). Le caractère 面 (miàn, face) représente un visage avec un œil au centre. La « face », 面 (miàn) ou 脸 (liǎn), revient comme un leitmotiv dans la culture chinoise. 面色 (miànsè, « la couleur de la face ») informe de la santé d’une personne, alors que 脸色 (liǎnsè), dont le sens littéral est le même, renvoie à l’humeur. Alors, « regarder la couleur de la face de quelqu’un » 看人的脸色 (kàn rén de liǎnsè), c’est agir en fonction de l’humeur de ce dernier. Ne pas mettre l’autre mal à l’aise 顾脸面 (gù liǎnmiàn) est une des préoccupations majeures des Chinois. Faire honte à quelqu’un peut se traduire par 丢面子 (diū miànzi, « perdre la face ») ou 没面子 (méi miànzi, « pas de face »). Au contraire, en faisant plaisir à quelqu’un et en allant toujours dans son sens, on « donne de la face » 给面子 (gěi miànzi).