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Sébastien en Chine 劉子劍在中國
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24 janvier 2011

Hangzhou, au bord du Lac de l'Ouest 2

Apres une bonne nuit de sommeil, envellopee de senteurs et de chaleur printanieres, je fus reveille par le soleil qui traversait les rideaux blancs de ma chambre. Je m'entendais de toute mon envergure sur le lit deux places ou je dormais seul pour prendre toute possession de cette nouvelle liberte qui m'etait donne pour quatre jours. Aucun manque, aucun besoin d'etre accompagne, juste cette joie d'etre tranquille et libre. Ces annees loin de mon pays, de mes racines m'ont appris a apprecier la liberte d'etre sans attaches, sans reperes, d'etre laisse a soi-meme.

 

D'apres la lumiere blanche et vaporeuse qui glissait des rideaux, et les rires de femmes qui lavais le linge a la fraiche en dessous de l'hotel, je devinais qu'il faisait beau dehors et que cette journee serait tres agreable. Apres m'etre leve et habille, j'ouvris les volets de la fenetre donnant sur les montagnes et je fus emerveille par tant de verdure... Le Shandong est une province tres rude, tres seche, la seule vegetation qui pousse sur les montagnes de Jinan sont les cypres, l'ete c'est toujours la canicule et comme il pleut uniquement par orages intenses, on se croirait en Provence. A Hangzhou il faisait chaud, mais l'air etait respirable au moins, on sentait une fraicheur profonde dans le vent qui soufflait legerement a travers la fenetre.

 

Je decidais d'une journee de ballade autour du lac sans objectif autre que celui de me faire plaisir. Une journee seule, consacree a mes envies, a mon egoisme de voyageur solitaire. Pas de plan, pas de preparation, juste marcher autour du lac jusqu'a ce que j'en ai marre, qu'en j'en ai vu assez. Je partis donc a pied le long de la route par laquelle le taxi m'avait amene la veille et je me sentais comme submerge par la verdure. De chaque cote de la route les coteaux etaient couverts d'une espece de foret vierge comme je n'en avais jamais vu avant... Je me rappellais les plantes des magasins de jardinage en France, les ficus, les palmiers, les bananiers, ils etaient ici grandeur nature, libres de pousser a leur guise. Dans les ruisseaux coulant le long de la route baignaient des iris, les pieds au frais. Je remarquais que les gens sortis pour se promener etaient etrangement differents des gens du Shandong. Ils paraissaient plus lents, plus calmes, plus a meme de savourer ce temps.

 

Arrive pres du lac, je fis un detour par un jardin parcouru par un ponton en bois qui me fit etrangement penser a un serpent, ou a un dragon. Apres avoir marche sur le ponton sous l’ombre des arbres et a la fraicheur de l’eau qui des ruisseaux qui serpentaient entre les petits ilots de verdures le long du chemin, j'enlevais mes chaussures de toile pour marcher lentement sur les petits galets ronds entre les rocailles. Enfin, apres etre passe par une bambouseraie, j'arrivais pres de la digue de Su. Cette fameuse digue qui date de

1200 a

peu pres, construite sous les ordres de Sushi, (aucune liaison avec les nems japonais) un poete de la dynastie Song... La digue est toujours presente, elle permet de joindre la rive sud a la rive nord du lac. Lorsque l'on marche dessus, on peut observer le paysage de Hangzhou, a l'est la ville, a l'ouest les montagnes, au centre le lac et ses sceneries. Ce matin la, le lac etait deja parseme de pleins de petits bateaux au toit en tissu imprime bleu et blanc dont l’unique rame du pilote fait penser a une queue de poisson, sur lesquels des couples et des familles prenaient l’air du lac en buvant du the. Sur la digue, des foules de promeneurs baguenaudaient en regardant les ecureuils jouer dans les branches des camphriers, les filles se prenaient en photos avec leurs ombrelles de couleur sous les massifs de rosiers en fleurs. J’observais ce paysage en me rappellant la digue du parc de l’empereur a Pekin. J’y etais alle en hiver avec une amie francaise, le paysage etait gele la surface du lac comme un miroir et la vegetation comme brulee par les couleurs d’automne, c’etait une atmosphere de froideur et de serenite qui n’existait pas ici.

 

Peu apres, j’arrivais sur la rive nord du lac. La se trouve une montagne qui forme une ile. Je marchais sur le quai borde de platanes jusqu’a l’entree du musee des sceaux. Les fenetres sculptes un peu comme des rosaces dans les murs m’attiraient. A travers elle je pouvais entrevoir un monde raffine et lent, des gens assis sur des chaises de rotin autour d’une table a boire du the en jouant au Majong, derriere eux, sur les parois blanches du parc, des steles gravees de calligraphies auxquelles je ne comprenais rien que l’aspect esthetique... Je passais le long des murs respectueusement comme on passerait devant des tableaux dans un musee, puis je montais peu a peu les marches sur le flanc de la montagne. Au fur et mesure que j’escaladais sous les branches droites et fraiches des bambous, je pouvais apercevoir en me retournant la surface picotee de petits points couleur ciel nuage du lac avec au loin la lourde pagode de Leifeng se dressant devant un ecran de verdure montagneux.

 

Arrive sur une plateforme qui devait pensais-je etre le sommet de la montagne, je me trouvais face a une grande calligraphie gravee directement dans le rocher de la montagne au dessus d’un bassin vert dans lequel allaient et venaient des petits poissons rouges. A droite, comme un paratonnerre ou un contrepoids se dressait une stuppa en granit toute verte de mousse. Sur la plateforme se trouvait des tables en pierre agrementees de sieges en forme de tambour. Un groupe de personnes s’y installa pour manger le pique-nique, ce qui m’etonna beaucoup n’ayant jamais vu de Chinois manger de pique-nique avant... Puis ils sortirent des thermos a eau chaude et des verres, l’un deux sortit une boite de the et je devinais que c’etait du The du Puit du Dragon, le the de Hangzhou. Lorsque je me preparais a continuer a explorer la montagne, je fus pris d’un fou rire a la vue d’une statue d’un vieux bonhomme assis dans les bambous. Il se tenait assis dans la mousse et les branches avec un sourire si goguenard que je n’ai pas pu m’empecher de rire en le voyant... Derriere la statue se trouvait un pavillon en pierre dans lequel etait enfermee des steles de l’epoque Han. Plus tard, je me rendis compte que toute la montagne etait couverte de gravures et inscriptions calligraphiees plus ou moins estompees par les ages. Je vis de tres beaux caracteres, comme celui des sources peint en bleu pour le rendre encore plus vivant peut-etre.

 

Un peu plus en bas de la montagne, je visitais un pavillon musee dans lequel etait expose quelques un des sceaux les plus importants de la collection de la societe des Sceaux et j’appris que l’art du sceau est finalement peut-etre plus ancien encore que la calligraphie elle-meme puisque les caracteres etaient sculptes sur des carapaces de tortue avant d’etre peint au pinceau sur des lamelles de bambous. ]

 

Apres cette visite tres erudisante, je decidais d’aller me remplir l’estomac. Je redescendis donc de la montagne pour aller chercher un restaurant. Apres avoir mange je retournais sur l’ile puis je marchais un peu pour digerer. Apres avoir fait presque le demi-tour de l’ile, je fis une halte sur une pelouse au soleil pour faire la sieste. A cote de moi un pere et sa fille jouait au cerf-volant. Je pris ma carte du lac et la mis sous mes epaules pour me proteger des eventuels bestioles qui sortent du sol lorsqu’il est humide et dont j’ai horreur : les vers de terre... Apres une bonne heure de sieste a l’ombre de ses plantes aux feuilles qui ressemblent a des pieds de dinosaure, je me remis en marche pour continuer mon tour du lac.

 

Me trouvant justement sur la route qui y menait, je fis un petit detour par le musee de la province du Zhejiang. Je visitais le pavillon central, retracait l’histoire du pays antique de Yue , un des sept hegemons de la periode des Royaumes Combattants. D’apres les historiens le pays de Yue etait un pays tres riche et tres en avance militairement et economiquement par rapport aux autres royaumes de l’epoque. Depuis la prehistoire, la province du Zhejiang est tres riche, les outils et le mode d’habitation des hommes prehistoriques le montrent bien. Ils vivaient dans d’especes de huttes sur pilotis faites de bambous et de cordages. La culture prehistorique du Zhejiang est representee par la culture Liangzhu et Hemudu. Les objets de ces deux cultures sont tous d’une finesse et d’une dexterite assez incroyable. Je ne suis d’habitude pas tres sensible a la culture prehistorique, mais la je dois avouer que j’ai ete impressionne.

 

La partie historique qui m’a le plus impressionne est la partie sur le pays de Yue. Le musee du Zhejiang possede une collection d’armes datant de 400 avant Jesus-Christ dont une epee en bronze aussi brillante que neuve... Le pays ennemi de Yue etait le pays de Wu localise pres de Suzhou. Pendant pres de cent ans ils se firent la guerre. A la fin de la periode des royaumes combattants, le pays de Yue fut vaincu a maintes reprises. Il en reste une histoire qui a donne un proverbe : dormir sur la paille et lecher de la bile.

 

Le roi de Yue, Goujian vaincu le Roi de Wu , Gelu et le blessa mortellement lors de la bataille. Son successeur Fuchai vaincu Goujian quelques annees plus tard et menacant de reduire le pays de Yue a neant Goujian offrit des presents a un ministre de Fuchai pour que celui-ci accepte de le faire prisonnier en echange d’un traite de paix. Fuchai voyant la un moyen d’humilier Goujian accepta et lui ordonna de se rendre lui-meme au pays de Wu. Goujian se rendit donc au pays de Wu ou protege par le ministre de Fuchai il fut traite en esclave pendant deux ans. Il dormit sur la paille et fit toutes sortes de taches ingrates pour eviter a son pays de se faire exterminer. Au bout de deux ans de labeur et d’humiliation, le roi de Wu le libera. Goujian a son retour du pays de Wu se jura de se venger un jour et pour ne pas oublier cette honte il s’astreignit a continuer a dormir sur la paille et a lecher a chaque repas un peu de bile. Apres son retour, Goujian pris soin de connaitre la vie de son peuple, d’etre proche des pauvres et de rendre le pays plus fort et plus riche pour eviter de subir a nouveau des humiliations. A la fin de la periode des Royaumes Combattants, le royaume de Yue fut vaincu par le royaume de Chu et ne revit jamais le jour.

 

Apres ma visite du musee, je retournais sur la montagne pour me promener a l’ombre et surtout a l’ecart de la foule que je trouvais de plus en plus en nombreuse sur le bord du lac. J’etais au calme parmi les palmiers et les camphriers. Lorsque j’arrivais au bout de la crete de la montagne, je me trouvais en face du pont de la digue de Bai. Une digue construite par Baijuyi, un autre poete ministre de l’epoque Tang cette fois. A croire que les hommes politiques chinois n’avaient pas autre chose a faire que construire des digues a Hangzhou...

 

Comme nous etions le jour de la fete de

la Clarte

, les touristes allaient par vagues, une maree humaine tout le long du lac. Je voulais etre au calme, j’etais servi... Enfin, en Chine il est difficile de faire devenir ses desirs realite, alors on finit par desirer s’adapter... La partie nord du lac, hormis les villas longeant la montagne au nord de l’ile sur laquelle j’avais passe la matinee et une partie de l’apres-midi ne possede pas grand interet. Je continuais donc mon avancee vers la rive est du lac, celle sur laquelle il y a des bars et des restaurants pour regarder le soleil couchant tomber sur les montagnes a l’ouest.

 

A partir de la digue de Bai jusqu’au deux-tiers de la rive est, je n’ai fait que marcher a travers la foule, regardant les gens se promener sous leur ombrelle, faire la sieste sur les pelouses d’un restaurant. Vers la moitie de la promenade, je m’arretais pour me reposer les pieds dans un parc ou des gens s’etaient reunis pour chanter de l’opera traditionnel de la region : l’opera de Yue. Bien que je ne comprenais rien, je restais assis la pendant une demie-heure a ecouter ces amateurs chanter toutes sortes d’airs accompagnes par un petit orchestre d’instruments traditionnels. Une dame assise a cote de moi m’expliqua que meme les Chinois des provinces exterieures ne comprenaient pas la langue de Yue, c’est un dialecte tres different du mandarin. Il devait etre vers cinq heures de l’apres-midi et le soleil commencait a descendre sur les montagnes en face. Les fontaines un peu plus loin se mirent en marche, un attroupement se forma sur le quai pour regarder les jets d’eaux voler dans l’air au son de la musique. Je decidais de suivre ma marche vers le sud du lac par le parc le long du quai. Je passais par un parc d’une ancienne villa, puis je remontais vers l’avenue parallele au quai pour prendre un taxi et rentrer a l’hotel changer de chambre et manger un peu.

 

Une fois demenage, et l’estomac rempli, apres m’etre repose de ma promenade, je repris le bus tard pour aller au bord du lac me promener dans la nuit sous les saules. Le long du quai etait eclaire par des lampadaires en forme de lanterne a la lueur blafarde, sur le lac voguaient encore quelques barques avec des amoureux a leur bord, on en entendant que le glissement aquatique de l’unique rame a l’arriere du bateau dans l’encre du lac. A cet endroit, le quai etait pave de galets, et j’enlevais mes chaussures pour me masser les pieds sur les « oeufs d’oies » recouverts de rosee nocturne. Je marchais ainsi sans autre but que marcher pendant une demie heure, la tete dans le vent noir du bord du lac, les pieds sur des vaguellettes de pierre. Puis, quand je n’ai plus senti mes pieds,  j’ai ramasse un galet dans une platebande. A chaque fois que je vais quelque part, je ramene un galet a Leo, c’est un peu un rite de voyage... Ca coute moins cher et est surtout c’est plus original que les babioles pour touriste...

 

Le parc ou je me promenais devenait de plus en plus silencieux et de plus en plus desert, peu a peu, la ville qui semblait comme une maree humaine le jour, devenait une mer d’huile la nuit. Je pris un taxi pour retourner a l’hotel, et je me souviens regarder la voute de platanes comme une voute de cave illumine par des torches, les montagnes de Hangzhou en paravent devant la soie blafarde de

la Lune.

 

 

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