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Sébastien en Chine 劉子劍在中國
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4 janvier 2016

Quand l’étranger s’invite à la télévision

La télévision chinoise a lancé plusieurs émissions avec des chroniqueurs étrangers en 2015. Jadis relégués au rang d’amuseurs de la galerie ou « singe-étranger » chantant des tubes chinois édulcorés, les nouveaux chroniqueurs étrangers prennent place sur la scène des émissions chinoises et amènent un nouveau souffle aux émissions talk-show en Chine.

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La Chine est ultra équipée en télévisions et l’on pourrait presque dire que c’est le passe-temps favori des Chinois, qui tuent le temps en zappant d’une chaîne à l’autre (il y en a plus d’un millier), passant de séries télé à émissions en tous genre. Malgré cela, la nouveauté n’est pas souvent au rendez-vous et il est difficile de trouver des concepts novateurs pour les émissions ainsi que de nouveaux sujets de débats.

 

Et souvent en Chine, quand on veut faire du neuf, on se tourne vers les étrangers. Souvent à la pointe de la nouveauté, Shanghai a commencé très tôt à faire des émissions avec des chroniqueurs étrangers et l’émission « We Are Family » de la chaine Xingshang de Shanghai, bien qu’elle fasse très fortement penser à une copie de l’émission taiwainaise « Kangsi Coming », a été un essai concluant. Lancée en 2013, elle est toujours diffusée et a permis à plusieurs millions de Chinois de se divertir grâce à des chroniqueurs étrangers.

 

Le style très vif et novateur de l’émission, avec couleurs criardes, bruitages et autres déguisements fait penser au style des émissions taiwanaises et hongkongaises, elles-mêmes inspirées des émissions japonaises. Pourtant, la scène de « We Are Family », séparée en deux parties : canapés des présentateurs et invités et estrade où sont installés les chroniqueurs étrangers, montre que les « amis étrangers » comme on les appelle en chinois, ne sont là que pour « amener un petit plus », ils ne sont pas le rôle principal de l’émission.

 

Or depuis début 2015, ce sont les émissions talk-show avec des chroniqueurs étrangers dans le premier rôle qui ont la vedette. Inspirées par une mode venue de Corée du Sud avec l’émission « Non-Summit » lancée en 2014, plusieurs chaines de télévision chinoises ont repris le concept, et certaines ont tout simplement acheté les droits de l’émission coréenne pour en faire une version chinoise avec des chroniqueurs étrangers parlant chinois couramment.

 

« Non-Summit » met en scène des chroniqueurs américains, français, belges, australiens, indiens ou encore japonais, dialoguant en coréen autour d’une table de réunion qui imite l’atmosphère des hauts sommets internationaux. L’atmosphère de l’émission est évidemment beaucoup plus ludique et le débat tourne autour de sujets de société proche du public. « L’arbitrage » est mené par les présentateurs coréens et l’invité de chaque épisode.

 Rencontre au Sommet

Premier essai mitigé

 

La première émission de ce genre lancée en Chine en 2015 est « Rencontre au Sommet » diffusée sur TianjinTV à partir de février 2015. Le principe est simple : 6 chroniqueurs étrangers, 2 présentateurs chinois, un ou plusieurs invités chinois qui discutent sur un thème en rapport avec la culture chinoise. La forme de l’émission coréenne, sur laquelle devait être calquée l’émission a été abandonnée pour cause de droits et une forme plus semblable à un forum littéraire a été adoptée: fauteuils design posés au milieu d’une scène vide formant un cercle autour des 2 présentateurs chinois. La différence avec les anciennes émissions chinoises du genre, c’est le nombre de chroniqueurs étrangers : 6 contrairement à 1 ou 2 auparavant et le fait que ceux-ci sont assis sur la scène autour du présentateur au lieu d’être à côté ou devant la scène sur une estrade. Les chroniqueurs étrangers font donc aujourd’hui partie intégrante de l’émission et ne sont plus là juste pour faire potiche.  

 

Cependant, l’émission diffusée le mercredi soir à 21 heures 20 n’a pas vraiment réussi à innover puisqu’elle reprend le schéma type de l’émission chinoise : performance – réactions – interview – conclusion circonstanciée. 

 

La partie la plus intéressante de l’émission reste la discussion sur le thème de l’émission suivie de l’interview collective de l’invité lors de laquelle les chroniqueurs étrangers peuvent donner leur impression ou faire des liens avec des phénomènes culturels ou sociaux similaires ou différents de leur pays d’origine. Évidemment, les gags et autres blagues des chroniqueurs étrangers amènent une touche de nouveauté à l’émission.

 

Au contraire des autres programmes du même style, la production est plus modeste et la marge de manœuvre est moins large. Certains sujets ne sont jamais abordés et le manque d’innovation laisse beaucoup de téléspectateurs sur leur faim. Certains se plaignent sur Weibo que l’émission ait trop gardé le style des émissions de variété chinoises et que le présentateur ne laisse pas assez les chroniqueurs étrangers s’exprimer et critiquent les lacunes en culture étrangère des présentateurs chinois qui « se moquent de la culture étrangère et n’arrivent pas à envisager les choses d’un autre angle ».

 世界青年说

Des chroniqueurs étrangers stars

 

« A Bright World », diffusé sur la télévision satellite du Jiangsu le jeudi soir à 21 heures 30, a acheté les droits de « Non-Summit » et a été lancée en fanfare sur les réseaux sociaux chinois. Une véritable campagne de publicité autour de ses chroniqueurs, les starisant et les propulsant sous les projecteurs avant même que l’émission n’ait été diffusée a été mise en place. Détenant les droits de l’émission coréenne, le décor a été refait à l’identique de celui de « Non-Summit », la forme de l’émission, le ton potache, libre et divertissant ont été gardés.

 

11 chroniqueurs réguliers, surnommés les « TK 11 », venant de partout dans le monde et 3 présentateurs discutent en chinois autour d’un thème donné pendant 45 minutes. Certains chroniqueurs sont parfois remplacés par des « stagiaires » qui ne reviennent que quand les « grands chroniqueurs » sont absents. Ces « stagiaires » peuvent devenir permanents lors qu’ils ont atteint un degré de notoriété assez important, ou quand les fans de l’émission les réclament sur Weibo.

 

L’émission mise donc beaucoup sur la célébrité des chroniqueurs présents comme par exemple le russe David Kosolov ou encore l’américain Myley Woods, ou encore le costaricain Isaac Pena déjà bien connus des jeunes Chinois et plus ou moins stars du petit écran en Chine. Des séances signatures d’autographes sont d’ailleurs régulièrement organisés pour les fans de l’émission et des mini-films et autres produits dérivés ont été développé suivant une stratégie très marketing.

 

Au début de chaque émission, une séquence « crâneur » assez typique pour savoir qui sont les chroniqueurs qui ont le plus de fans sur Weibo et une séance de « moqueries potaches entre copains » pour « chauffer le début de l’émission » montre bien le rôle prépondérant qu’ont les chroniqueurs étrangers dans ce programme à la différence d’avant où les étrangers devaient rester « modestes et presque invisibles ». L’émission passe ensuite à une « bataille culturelle internationale » qui est en fait une présentation de la culture de chacun sur un thème donné. Elle se termine enfin par un débat sur le thème principal de l’émission.

 

Actuellement, l’émission compte 990 000 fans sur Weibo, témoin de son succès et surtout du succès de la campagne publicitaire de la production.

 非正式会谈

Un ton plus libre

 

« Informal Talks » de la télévision satellite du Hubei et diffusée le vendredi soir à 21 heures 20 a été lancée peu après « A Bright World ». Elle reprend un peu le concept de « Non-Summit » sans toutefois en faire une copie complète. 10 chroniqueurs ou plus sont mobilisés pour l’émission qui s’articule autour de discussions sur un thème donné, de vote et débat sur une question particulière, de présentation de phénomènes culturels et sociaux chinois et étrangers.

 

Ce qui caractérise ce programme, c’est son ton très libre. L’émission se permet même d’aborder des thèmes comme le changement de sexe, la sexualité, la religion ou encore la mort qui sont généralement tabous dans les émissions chinoises. Peut-être parce qu’ « étranger oblige », une plus grande tolérance est observée et la liberté de parole est plus grande. Toutes les opinions sont admises, tant qu’elles ne vont pas trop loin dans la confrontation ni ne s’attaquent à des tabous culturels trop sensibles.

 

Les présentateurs chinois ne se bornent plus à essayer de rattraper les « gaffes » des chroniqueurs étrangers ou à jouer les garde-fous mais rentrent dans le jeu, et arrivent ^même parfois à expliquer la différence culturelle existante entre la culture chinoise et celle des autres pays, et même parfois les différences culturelles pouvant exister entre les différents chroniqueurs présents. Cela fait de l’émission une véritable plate-forme culturelle sympathique et amusante.

 

Quand variété rime avec ouverture

 

On peut encore citer trois autres émissions qui diffèrent un peu de celles présentées : « The Beijinger », « Hello China ! » et « Happy Chinese » respectivement de la BeijingTV, de la GuangzhouTV et de CCTV International.

 

« The Beijinger » reste assez traditionnel dans son style : l’émission n’a pas repris le concept de « Non-Summit », mais gardé la façon chinoise de faire les émissions : un couple de présentateurs homme-femme, une scène où les animateurs peuvent évoluer avec les invités et un bureau-estrade pour les chroniqueurs étrangers. L’émission invite des personnalités chinoises plus ou moins connues et le rôle des étrangers présents à l’émission est surtout de poser des questions aux invités et de réagir sur ce qu’ils disent ou leur performance.

 

« Hello China ! » ressemble plus à un jeu télévisé qu’à une émission talk-show : les candidats étrangers doivent répondre à des questions sur la culture chinoise pour gagner des lots. Quant à « Happy Chinese », autrefois une émission mi-tourisme mi-cours de langue destinée aux étrangers apprenant le chinois, c’est aujourd’hui devenu un jeu télévisé.

 

Montée en puissance du soft-power chinois ? Ouverture sur le monde ? Ces émissions sont là pour montrer aux Chinois que la Chine attire les étrangers, qui sont de plus en plus nombreux ç y vivre et à en parler la langue. Ces programmes permettent aussi au public chinois d’avoir une ouverture sur l’étranger et sur toutes les cultures.

 

Pourtant, les émissions n’étant pas traduites en langue étrangère, dire qu’elles permettent à la Chine d’accroître son soft-power à l’étranger serait faux, car il est impossible pour une personne non sinophone de les regarder.

 

Enfin, cela montre aussi que la télévision chinoise, même si elle imite souvent des concepts étrangers, arrive tout de même à créer des émissions taillées pour la Chine et son audience et qui marchent, puisque certaines parviennent même à dépasser les émissions phares de la grande chaine de divertissement chinoise HunanTV. 

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