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Sébastien en Chine 劉子劍在中國
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28 avril 2014

A(E)ncré dans la culture.

La calligraphie书法 (shūfǎ)est l’art chinois par excellence. Lorsque l’on parle de Chine, on pense aux caractères chinois et par conséquent à la calligraphie. Ce qui parait le plus dur à apprendre dans le chinois, ce sont les caractères 汉字 (hànzì).

La calligraphie qui signifie dans notre langue “l’écriture à la plume” signifie tout autre chose en chinois. 书(shū) c’est écrire 写字(xiězì). L’ancien caractère est plus parlant 書(shū). On peut y voir une main stylisée tenant un pinceau en train d’écrire sur une feuille. Le mot le plus important est surtout 法() qui signifie “la règle”. La calligraphie chinoise est donc pour simplifier, une écriture codifiée, un art d’écrire qui a ses propres règles. C’est quelque chose qui dépasse l’écriture文字(wénzì)en elle-même. Ici je vais surtout vous en présenter la culture qui fait de cet art un des symboles de la Chine.

La calligraphie vient de la divination 占卜(zhānbǔ)où l’on faisait craquer des carapaces de tortues ou des homoplates de bovidés pour, à partir des fissures créées par la chaleur, deviner le sort. Cette écriture primitive appelée 甲骨文(jiǎgǔwén), l’écriture des os et carapaces était détenue par des mages 巫师(wūshī). Elle était censée transcrire les messages des esprits ou les desseins du Ciel. Au même titre que les hyéroglyphes égyptiens, elle était sacrée.

Puis, cette écriture s’est transmise à la classe des lettrés 士(shì). Ceux-ci devaient savoir écrire, c’était un symbole de leur culture. Le peuple ne savait ni lire ni écrire. Ce caractère est toujours utilisé pour les dénominations de diplômes universitaires. 学士(xuéshì) équivaut à la     Licence, 硕士(shuòshì) à la Maîtrise et 博士(bóshì) au doctorat.

Les personnes issues de familles d’intellectuels ou personnes cultivés sont appelées 书香门第(shūxiāngméndì). Ce qui veut dire “qui sort de la porte qui sent bon le livre”. Car pour éviter que les livres ne soient attaqués par les insectes, on remplissait les bibliothèques de camphre, ce qui leur donnait une odeur particulière. On peut également dire qu’ils sont des 文人雅士(wénrényǎshì), “hommes de lettres et hôtes distincts”. L’intellectuel chinois étant par morale en perpétuel apprentissage peut également s’appeler“le liseur de livre”读书人(dūshūrén) ou celui qui apprend 学者(xuézhě). On peut également les appeler “文人”(wénrén) car ils connaissent les écritures et ont de la culture.

Dans la maison d’une famille d’intellectuels, on trouve une bibliothèque ou un cabinet de travail. C’est ce qu’on appelle 文房(wénfáng) “le cabinet du lettré” que l’on peut également appeler 书房(shūfáng) “la pièce d’écriture”.Chaque cabinet de lettré avait un nom particulier reflétant l’âme de cette personne avec parfois des noms très poétiques tels que “le pavillon de la pluie”, “le cabinet des cèdres”, etc...

Dans cet espace se trouvent quatre trésors : les quatre trésors de la chambre du lettré 文房四宝(wénfángsìbǎo).Ces quatre trésors nécessaires à la calligraphie sont le pinceau 笔(), l’encre 墨(), le papier 纸(zhǐ), et la pierre à encre 砚(yàn). Le caractère du pinceau est un pinceau à lui tout seul puisqu’en haut on trouve l’élément du bambou et en dessous le caractère du poil 毛(máo) qui représentent bien ce qu’est un pinceau. L’encre possède le caractère 黑(hēi), noir, à l’intérieur, le papier a l’élément composant du tissu 丝() et la pierre à encre celui de la pierre 石(shí). 

Étudier est en Chine une institution, et d’autant plus lorsque l’on fait de la calligraphie. Il existe des sentences telles que 读书破万卷(dúshū pò wànjuàn),下笔若有神(xiàbǐ rú yǒu shén). “Il faut explorer dix mille livres, et le pinceau file alors comme habité par l’esprit.” Ou bien 腹有诗书气自华(fù yǒu shīshū qì zì huá) “Lorsque l’on a des livres et des poésies dans le ventre alors l’intériorité se transcende d’elle-même.” On peut dire aussi 读书千遍其义自见(dúshū qiānbiàn qíyì zìxiàn), “après avoir lu un livre mille fois, son sens se dévoile lui-même.” Des phrases qui sont toujours utilisées par les élèves et les intellectuels chinois pour justifier de leurs études.

Ecrire avec un pinceau diffère de l’écriture au stylo ou au clavier en cela que le pinceau est comme un sismomètre de l’énergie et de l’inspiration du calligraphe. Il est le médium entre son esprit, le Ciel et la Terre, la matière qui est l’encre qui nait sur la feuille. Les calligraphes voient leur travail comme celui d’une éternelle reconception de l’univers. Pour cela, il faut qu’ils préparent la descente du pinceau sur la feuille 下笔(xiàbǐ) en dessinant dans le cœur心画(xīnhuà), puis “lorsqu’ils ont la forme du bambou dans la poitrine” 胸有成竹(xiōng yǒuchéngzhú), c’est-à-dire qu’ils ont l’image de ce qu’ils veulent faire, ils peuvent alors baisser leur pinceau et “balancer leur pinceau et arroser d’encre” 挥毫泼墨(huīháopōmò), ce qui signifie faire de la calligraphie.

Chaque calligraphe a une manière particulière de faire passer l’énergie dans le pinceau 运笔(yùnbǐ)et un style particulier que l’on appelle poétiquement “le vent du pinceau” 笔风(bǐfēng). La trace laissée par le calligraphe sur le papier, qu’elle soit tendue et forte ou détendue et molle s’appelle “le mouvement ou la force du pinceau” 笔势(bǐshì).

On peut qualifier une calligraphie de mille manières. On peut dire qu’elle est comme “le dragon et le serpent qui dansent en volant” 龙飞凤舞(lóngfēifèngwǔ)ou bien qu’elle est ronde et fluide 圆润流畅(yuánrùnliúchàng), qu’elle donne une impression de volupté 清和淡雅(qīnghédànyǎ) littéralement “claire, harmonieuse, légère et belle”. On est jamais à court d’expression pour caractériser une calligraphie en Chine. La calligraphie porte un caractère sacré, tel qu’offrir une calligraphie 敬书(jìngshū) à quelqu’un ou en dédier 题字(tízì) une à un ami est un cadeau très apprécié.

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