Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sébastien en Chine 劉子劍在中國
Archives
17 juin 2010

Soirées obscures et fraiches : la pluie

 

Ce soir, l'orage dont tout le monde murmurait l'arrivee depuis une semaine, celui qui nous faisait suffoquer tous les jours, celui qui arrive de derriere les montagnes du sud, s'est enfin annonce dans une pluie d'applaudissements. Heureux de la venue de celui que nous attendions tel un ami qui vous rend visite, nous l'avons accueilli toutes fenetres ouvertes, dans les courants d'air pour saisir la fraicheur de son corps et l'odeur nouvelle qu'il nous amene du lointain.

Chaque annee, a la meme epoque : l'ete severe et determine qui suit le printemps timide et indecis, nous attendons la pluie. Le soleil joue tellement pleinement son role que tous les autres acteurs sont incapables de monter sur scene. Matin, midi et soir juste lui, majestueux, dore, rond comme une piece d'or accrochee sur le ciel. Toujours le meme decor au lever de rideau, pas de changement au tomber... Les pieces sans entracte deviennent longues et ennuyeuses... On ne peut rien faire qu'attendre que les choses se passent. Les temps sans changement sont d'un ennui souverain.

C'est pour cela que les Chinois aiment la pluie, et meme presque la venerent. Combien de poemes, de textes chantent la pluie, sa venue discrete dans la nuit. Les rouleaux de peintures sont emplis d'elle, qui humifie le monde, adoucit les contours, rafraichit les pensees, alanguit les sentiments. On l'attend tellement longuement, comme ses torrents de Provence secs et avides en ete... Le corps deseche par la poussiere et le vent chaud qui parait etre rouge tellement il vous brule. Chaque jour en me reveillant couche sur ma natte fraiche de bambou, j'ecoute d'abord si la pluie est la, comme une invitee qui patiente dans le jardin en tournant autour des fleurs. Si elle venait le matin, je lui ouvrirai la porte pour la laisser penetrer dans la chambre moite du sommeil pas encore evapore...

Ne se servir que de ses yeux pour observer les choses ne suffit pas. Ainsi, parfois la lumiere du jour me trompe et je me fais une fausse joie que la mouilleuse est arrivee. Je me leve pour lui ouvrir la porte de la veranda, mais c'est la bouffee chaude qui me frappe au visage... Je lui claque la porte au nez !

Comme dans ce poeme de Baijuyi, j'aime ecouter la pluie nocturne s'imiscer lentement dans entre les feuillages du jardin. Elle apparait comme un reve dans l'obscurite fraiche, et lui donne du volume quand le jour etait ecrase par le soleil bouillant.

 

 

Publicité
Commentaires
R
Ton texte est de toute beauté. Magnifique, poétique, tendre et drôle, très chinois (?), sensible et diablement bien écrit avec cette pluie personnifiée que tout le monde attend avec impatience.
N
La vie est toujours plein de soleil!
Sébastien en Chine 劉子劍在中國
Publicité
Sébastien en Chine 劉子劍在中國
Newsletter
8 abonnés
Publicité