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Sébastien en Chine 劉子劍在中國
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20 mai 2010

L'estomac du gastronome chinois

  

 

Lorsque je dis cela, je veux dire evidemment, manger au restaurant chinois et non pas ce que vous avez peut-etre imagine. Comme les gens sont sans foi ni loi de nos jours...

 

Enfin si,  j'ai un foie et je m'en sers, parce que j'aime manger.  Pas un devoreur, ni un fin gourmet, mais juste un amateur de nourriture et une des mes passions favorites est de faire la cuisine. Honte sur moi :  je suis incapable de faire un pot au feu, mais je peux vous faire une marmite mongole ou un plat de porc aigre douce a la place...

Je suis parti de France en 2007 avec pour seul bagage culinaire des patisseries... Je ne savais faire que des gateaux et les steacks haches surgeles sortis du congelateur... Bon et aussi des patates frites...Sauf que des le premier jour en Chine m'est venu a l'esprit :“Comment vais-je me remplir l'estomac ? Je ne vais pas pouvoir me nourrir de clafoutis tous les jours"... Tous les plats chinois ont des noms bizarres, des caracteres compliquees, des appelations tordues, comme : le poulet du palais du prince, fils de viande a l'odeur de poisson, griffe de phenix... J'avais peur de choisir...

Les premieres semaines, je me suis nourri uniquement de nouilles et de hamburgers chinois presque tous les jours. Je n'osais pas aller au restaurant tout seul, de peur de commander quelque chose que je serai incapable de manger. Avant de partir, Claude, mon correspondant chinois m'avait evidemment presente les differents plats chinois, leurs specialites, mais on ne peut pas se payer le restaurant pour soi tout seul tous les jours... et la cantine de l'universite etait tellement bondee, je n'etais pas encore arme pour crier le plat que je voudrais manger a la petite fenetre...

 

Heureusement, j'avais un ami coreen resident a Jinan depuis trois ans deja, il comprenait tres bien le chinois et connaissait les plats, alors on sortait souvent ensemble pour manger, c'est lui qui menait les repas a la baguette, apres sa petite priere (ce qui mettait tres mal a l'aise). Puis au bout d'un mois j'ai habite en colocation avec des Chinois. J'avais pour tache d'aller au marche acheter les legumes, un peu au hasard a l'epoque, de faire le menage et eux de faire la cuisine. Nous avons tenu le coup, mais j'avais du mal a manger la nourriture qu'ils faisaient au debut parce que les gens du Shandong aiment beaucoup manger poivre et acide. Les plats d'aubergines fait par Chenbing etaient litteralement noirs. Non pas que les aubergines etaient cramees, mais parce qu'elles baignaient dans la sauce de soja concentree... De temps en temps je tombais sur un grain de poivre, qui des qu'il passe sous la dent fait picoter toute la bouche... Je trouvais ca assez desagreable a l'epoque. Et le pire que j'ai mange, ce sont les pommes de terre en fils presque pas cuite arrosees de vinaigre et d'ail frais...  Pour un etranger novice en cuisine chinoise c'est assez extreme. Mais je me trouve chanceux, car j'ai pu gouter a la vraie cuisine chinoise de la maison tres tot.

Le week-end, j'allais dormir chez Claude pendant deux jours. L'occasion de deguster toutes sortes de plats du Shandong et notamment des fruits de mer car la mere de celui-ci vient du bord de mer. Les moules au piment mode Yantai sont exquises, et le calamar sauce soja a se damner... La mere de Claude excelle aussi dans les potees et notamment la potee de boeuf... Sinon on fait des raviolis tous les dimanches chez eux, chaque semaine une farce differente. C'est assez exceptionnel de manger des raviolis aussi souvent en Chine. C'est surtout parce que j'aime ca que la mere de Claude en preparait chaque week-end. Et puis faire les raviolis c'est un peu comme faire les nems au Vietnam ou bien faire les biscuits en France, on travaille ensemble, on discute, on rigole, j'ai appris beaucoup de chinois en preparant les raviolis.

Quelques mois plus tard, j'ai rencontre Marie et Jeanne. Jeanne et moi nous tapions souvent l'incruste chez Marie qui possedait un piano et un jardin dans son appartement. Au mois de mai c'est un plaisir que de reviser sous l'ombre d'un arbre...  Le soir, nous mangions tous les trois ensemble. Vers cinq heures, j'allais choisir les legumes avec Jeanne sur les etals sur la rue a cote de la ou habitait Marie. Puis nous rentrions faire la cuisine. J'aidais Jeanne a nettoyer les legumes et a les peler, pendant qu'elle preparait le riz ou la bouillie accompagnant les plats. Pendant ce temps, Marie nous jouait du Mozart dans la penombre de sa chambre. Cela fait presque deux ans et demi que je n'ai pas mange surgele. Ici on ne mange que du frais et j'avoue que manger des legumes tous les jours m'a fait beaucoup de bien. La viande n'occupe qu'une place d'ingredient pour la saveur dans la cuisine chinoise. Elle est rarement consommee pour elle-meme sauf dans le cas du canard laque ou du porc a l'aigre-douce, mais on remarquera qu'elle est toujours tres saucee et mangee avec autre chose. Pour les Chinois, le plat principal est le riz et non les legumes et la viande, ils sont juste la pour le gout.

Je n'ai commence a apprendre a faire la cuisine qu'apres avoir connu Marie et Jeanne. Le premier plat que j'ai appris est l'omelette a la tomate. Puis on a complique petit a petit, mais en gros je savais faire trois quatre plats pas plus... Je me suis entraine maintes et maintes fois pour les faire, les ameliorer. J'oubliais souvent un ingredient, j'oubliais une etape ce qui fait que tout foirait... Combien de plats j'ai jete a la poubelle avant d'aller m'acheter une crepe a manger en desespoir de cause ?

Puis, apres avoir appris a faire des plats basiques, tu dois apprendre a t'adapter au gout des invites, charger ou non les ingredients et les sauces : trouver ton gout. Ensuite tu apprends aussi a faire en fonction des saisons, des maladies, des sensations physiques des gens qui mangent. En general on essaie d'equilibrer les plats pimentes, insipides, gras, maigre. Pour faire une generalite pas tres exacte, on fait a peu pres un plat de plus que le nombre d'invites. Pour que chacun ait au moins un plat qu'il aime. Les Chinois pensent toujours a demander ce que tu aimes manger quand il font ta connaissance pour se preparer la fois ou ils t'inviteront a manger pour etre sur de te satisfaire.

En Chine, manger si ce n'est se guerir, c'est entretenir son corps. Par exemple, si tu es enerve, que tu as des boutons qui poussent sur le visage depuis quelques jours cela signifie que tu as le feu interieur. Plus clairement, un desequilibre qui te donne l'impression d'etre nerveux,  d'avoir chaud et d'avoir la peau seche. A ce moment-la, il faut eviter tout ce qui est piment, gingembre, curry, tomate, patate, carotte, ail, epinards, viandes. Il faut eteindre le feu interieur avec des legumes "eau" comme le celeri, le radis, le poivron, salade et le champion : le concombre ! Les chinois mangent du concombre comme on croque notre baguette a la sortie de la boulangerie... Si inverse, tu te sens mou, froid, il faut compenser avec des legumes du soleil, de couleur rouge. Il est donc extremement deconseille aux gens malades d'un rhume de manger du piment ou du poivre, de boire des boissons comme du the noir ou du cafe et de se faire des infusions au miel car celui-ci fait monter le feu. J'ai remarque que le piment permet de reveiller l'esprit, de rendre les gens plus gais et plus vifs. Le the vert seche au soleil a aussi cette fonction. Le the noir a pour fonction d'aider a la digestion. Les concombres de mer permettent d'activer la circulation du sang. C'est tellement efficace que certaines personnes se mettent a pisser du nez apres en avoir mange... Il est donc extremement deconseille d'en consommer lorsque l'on a ses regles. La tradition presque medicinale de la cuisine chinoise existe depuis deja 2000 ans, presque tous les plats chinois ont une utilite pour la sante du corps et de l'esprit.

Avant que Jeanne ne parte pour la France, j'ai connu Liuwei, un ami de Jeanne qui par la suite est devenu le mien aussi. Comme Marie et Jeanne etaient toutes les deux en France, que je venais de rentrer en licence, je me sentais un peu esseule. Liuwei etait souvent libre parce que la quatrieme annee de licence au conservatoire n'est pas tres occupee pour laisser les eleves trouver du travail. J'allais donc souvent chez lui pour manger et m'amuser. Comme son ancienne petite amie etait une petite princesse qui ne faisait jamais la cuisine, ni la vaisselle, ni le menage, ni rien, il a du apprendre a tout faire pendant trois ans. J'ai donc beaucoup appris avec lui. Je lui sers toujours d'aide cuisinier aujourd'hui, meme si j'ai eu l'occasion en le regardant faire d'apprendre beaucoup pour faire la cuisine. Les trucs de cuisine ne se disent pas directement, mais on peut observer, reflechir a comment faire les plats.

La plupart des plats que je sais faire, je les ai appris de chez lui.  En bon Shandongais, il aime mettre du vinaigre et de l'ail dans tous ses plats. Lorsque nous etions chez lui pour les vacances de la fete du printemps, j'ai goute aux plats faits par son pere, j'ai passe des vacances gastronomiques ! Les potees de Zibo, le doufu, les poissons frits, tout ca avec cette touche de vinaigre...

J"apprends partout, des que je vais au restaurant, j'etudie les plats, j'imagine comment ils les font, ce a quoi on doit faire attention. C'est presque comme un jeu.

Dans ma cuisine j'ai a peu pres dix bouteilles de sauces de soja, huitre, vin, huile de sesame etc... A utiliser de facon precise et selon un ordre precis que je ne devoile pas...En general, les plats que Leo et moi faisons lors de nos repas pendant le week-end ont du succes et je ne suis jamais trop embarrasse par la vaiselle tellement les plats sont propres...

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
J
très beau récit littéraire sur la cuisine chinoise,<br /> il manque une ou deux recettes complètes ....<br /> <br /> jean
Sébastien en Chine 劉子劍在中國
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